Le décor aux daims est sans doute le plus représentatif des kraak-porselein et de la cargaison du San Diego. Il est le plus répandu et aussi le plus fécond. Il apparaît très tôt dans l’iconographie, dès le IIe millénaire, sous les Shang puis sous les Zhou et sous les Han. Au VIIIe siècle, on le trouve incisé sur de grands plats en argent. L’espèce représentée avec une robe tachetée correspond au sika, une race native de l’Asie orientale. Il entre de façon significative dans la porcelaine vers le xlle siècle. L’un des exemples les plus prometteurs reste le ding à décor moulé du Victoria and Albert Museum. Il montre deux daims bondissant ensemble au milieu de volutes végétales et d’enroulements de nuages. Celui qui ouvre la course se retourne pour regarder son compagnon qui le suit. La mise en page de cette composition, en plaçant bien au centre les deux cervidés et en affirmant clairement leur désir instinctif de communiquer, annonce les créations futures. Sur un autre plat, cette fois une porcelaine bleu et blanc provenant du sanctuaire d’Ardebil, un couple de daims gambade joyeusement. Ils semblent converser entre eux non sans humour, la femelle une branche fleurie entre les dents, le mâle avec un champignon d’immortalité. Mais plus important est de noter le sens de l’espace que déploie le décorateur. Il dispose trois éléments, un grand pin qui épouse la moitié supérieure, un arc de cercle avec quelques brindilles dans le tiers inférieur, et trois rocailles en bas et au centre. Ainsi vers 1500 est mis au point une articulation qui servira de cadre naturel aux futurs kraak-porselein. A la fin de l’ère Jiajing, précisément au moment où la Chine commence à s’ouvrir aux Européens, ces principes vont être repris pour former autour des daims un paysage plausible souple et logique comme l’illustre un lot de plats conservés au palais de Santos. Le sens de l’espace va finir par devenir dominant. Il est certain que l’importance accordée aux formes plates dans la tradition européenne livrait aux céramistes de belles plages décoratives, où ils pouvaient agencer librement les daims. Ils vont ainsi révéler leur talent inné de paysagiste créant des sous-bois, sorte de pays de cocagne où ces êtres exceptionnels vivent dix mille ans. Ces séquences spontanées, émaillées de détails savoureux, conservent toujours une part d’imprévisible. Leurs multiples encadrements accentuent l’effet de perspective. Ces panneaux rayonnants sont traités comme autant de tableaux en soi. Des frises géométriques peuvent être intercalées. Ce décor au tracé nerveux, à l’enchaînement naturel, posé sur une base lourde avec une paroi mince, atteste une phase d’équilibre avant la systématisation industrielle. Autres pièces du San Diego ayant pour thème les daims: Bols: inv. 22, 800, 1424, 1425,1427, 2686, 2688. Assiettes : inv. 11, 12, 35, 36, 43, 122, 123, 152, 187, 208, 308, 358, 360, 362, 363, 534, 535, 535, 536, 537, 538, 539, 547,548, 549, 550, 551, 721, 727, 838, 923, 1062, 1089, 1141, 1150, 1232, 1233, 1288, 1289, 1290, 1291, 1293, 1298, 1300, 1.301, 1303, 1309, 1310, 1311, 1312, 1313, 1.314, 1316, 1317, 1320, 1321, 1326, 1328, 1330,1448, 1525, 1526, 1528, 1546, 1548, 1549,1553, 1554, 1556, 1559, 1561, 1565, 1575, 1576, 1601, 1602, 1604, 1605,1606, 1607, 1609, 1610, 1612, 1613, 1614, 1615, 1616, 1622, 1624, 1625, 1626, 1627, 1628,1636, 1638, 1639, 1640, 1660, 1669, 1714,1718, 1779, 1780, 1781, 1783, 1796, 1800, 1802, 1804, 1805, 1813, 1817, 1818, 1819, 1821, 1822, 1823, 1848,1911, 1913, 2061, 2063, 2128, 2149, 2190, 2702, 3038, 4768, 4769, 5182. Plats : inv. 13, 14, 14 bis, 15, 16, 207, 674, 1349, 1442, 1443, 1444, 1857, 1880, 2077, 2273, 2274, 2296, 2297, 2297, 2299, 2324, 2335. Jean-Paul Desroches "Les porcelaines" dans F. Goddio, [/et al./], [/Le San Diego, un trésor sous la mer/] - Catalogue de l’exposition, Paris,1994, p. 300-359.