No 0103 | San Diego | Galion


Bouteille / Porcelaine bleu et blanc
Chine, Jingdezhen (Jiangxi)
H. 29,5 cm, diam. base 8,5 cm

Conservation  

Ces trois bouteilles piriformes terminées par un col en bulbe et ce bol délicatement évasé reposant sur un pied rétracté recourent au même vocabulaire iconographique, celui du lion au milieu des rinceaux. Né au Proche-Orient, gardien des édifices sacrés et présent dès le Hie millénaire sur les sceaux-cylindres mésopotamiens, ce fauve arrive en Chine aux alentours de notre ère par l’Inde dans un contexte bouddhique. Flanqué par paire au pied du trône du Bouddha, il marque la royauté céleste de l’Eveillé. Sous les Tang, il devient un élément décoratif indépendant, très prisé des orfèvres. Il apparaît dans la porcelaine Ming à la période Xuande (1426-1435) et à nouveau sous Hongzhi (1488-1505). A l’ère Jiajing, le sujet revêt une importance nouvelle. On le retrouve non seulement sur de grands plats, dont six sont fixés sur le plafond de la Casa das Porçolanas au palais de Santos à Lisbonne, mais encore sur certaines pièces de forme comme deux des bouteilles datées de 1552, dites de Jorge Alvares, cet officier portugais ami de saint François Xavier. Deux des trois bouteilles « aux lions » du San Diego sont assez semblables avec une panse aplatie en bourse et à la naissance du col un ressaut en relief. Chaque scansion morphologique est soulignée par des frises, ruyi ou panneaux de lotus. Cette silhouette rompue et peu fréquente se retrouve dans une oeuvre conservée au Metropolitan Museum of Art de New York avec une monture dorée due à un orfèvre londonien actif entre 1583 et 1590. Le col est orné d’un oiseau sur une branche fleurie, un motif que l’on remarque sur la bouteille de la collection Vok, mais dont la panse morcelée en panneaux présente quatre daims. Les deux lions, brossés avec humour, semblent saisis dans un mouvement perpétuel, s’ébattant joyeusement au milieu de rinceaux fluides ou de rubans volants. Ces lignes et ces volutes qui tapissent le fond sont utilisées pour la mise en place, créant des sortes d’ondulations rythmiques. Elles engendrent la continuité et invitent à faire le tour du vase pour découvrir individuellement chaque félin. Joueurs, débonnaires avec leurs énormes crinières, leurs yeux ronds et moqueurs et leurs queues touffues, ils paraissent se livrer à des pitreries, surgissant au milieu des entrelacs. Ce décor, gai et bon enfant, traité avec un pinceau enlevé dans des nuances bleu saphir appliquées sur une porcelaine blanche sous une couverte légèrement satinée, est en accord avec ce style franc et direct des meilleurs ateliers de Jingdezhen à la fin du XVIe siècle. Jean-Paul Desroches "Les porcelaines" dans F. Goddio, [/et al./], [/Le San Diego, un trésor sous la mer/] - Catalogue de l’exposition, Paris,1994, p. 300-359.